1. Le Qhapac ÑanLe Qhapac Ñan est une des réalisations majeures attribuées à l’État inca. Cependant, le réseau routier andin est le fruit d'une construction de longue durée, initiés avec le développement des premières sociétés préhispaniques. Modelant le paysage, ce réseau de communication permit aux Incas d’administrer le plus vaste état d’Amérique du Sud. Il n’est pas seulement constitué de voies de communication. Le terme « Qhapac Ñan » englobe le « vaste réseau de routes qui, à l’époque préhispanique, reliait les territoires de ce qui est aujourd’hui la Colombie, l’Equateur, le Pérou, la Bolivie, le Chili et l’Argentine et qui a atteint son apogée, en tant que système intégré, sous l’Empire inca » (Document de travail de l’UNESCO n°WHC-03/27.COM/INF.13. Paris, 16 juin 2005). Ce système était composé des routes proprement dites, des constructions, ouvrages et systèmes associés (lieux d’hébergement, entrepôts, ponts, chaski, etc.). Il reliait les établissements humains, les centres administratifs, les zones agricoles et minières, les lieux saints et sacrés. Aujourd’hui encore, il traverse des zones d’une haute valeur culturelle et d’une grande diversité biologique naturelle.
Au lancement du projet de l’UNESCO, environ 1000 kilomètres de chemins avaient été parcourus par les archéologues (fig. 1), sur les 23 839 kilomètres du Qhapac Ñan supposé par John Hyslop — bien qu’il estime la longueur totale du réseau à 40 000 km (1984 : chap 16). Les recherches actuelles portent principalement sur les segments présentant la plus grande facilité d’accès aux informations archéologiques : les grandes artères de l’État inca — Inka Ñan — qui, par leur conception, ont résisté en grande partie aux processus érosifs, et la région du Kollasuyu, dont le climat sec offre une bonne conservation des vestiges. En revanche, les secteurs présentant des processus taphonomiques complexes (villes, zones urbaines et fortement anthropisées) ou des conditions météorologiques peu favorables à la conservation des vestiges et aux recherches archéologiques (cols, zones de haute altitude, fortes pentes, etc.) sont généralement délaissées. L’Antisuyu et l’ensemble du versant occidental des Andes, par exemple, sont sous-représentés dans la littérature archéologique, bien que cette région présente des chemins d’une grande qualité architecturale, construit dans le but de résister aux conditions climatiques.
Les études sur le Qhapac Ñan débutent avec la conquête espagnole : conquistadores, missionnaires, administrateurs et gouverneurs de la couronne sont en admiration devant le réseau viaire andin. Comparés à l’Europe, les Incas possèdent un réseau de communication plus performant et mieux construit. Les conquérants qui s’en servirent d’abord à des fins de conquête, le rétablire de nouveau afin d’administrer leurs nouvelles possessions. À leur suite, les chroniqueurs, les voyageurs puis les archéologues chercheront à en comprendre l’origine, l’histoire et le fonctionnement.
Il est important de différencier les études «globales» (portant sur l’ensemble du réseau) des études régionales ou locales (souvent mieux documentées). Les recherches ont été longtemps axées sur la recherche et l’identification du tracé des divers segments ainsi que sur la localisation des sites associés au fonctionnement du Qhapac Ñan. L’analyse formelle du chemin (structure, phases de construction, etc.), quant à elle, est une problématique récente de l’archéologie du réseau de communication andin. Plus récemment, de nouvelles approches, combinant diverses disciplines et divers domaines scientifiques (cf. projet Qhapac Ñan UNESCO publié par le BID) se sont ajoutés aux précédentes (valorisation du patrimoine, développement économique réfléchit des communautés locales, etc.). Il est évident qu’une étude pluridisciplinaire, unissant transversalement de multiples problématiques est la clé à la compréhension globale d’un réseau de communication, à sa conservation et sa valorisation. Nous n’aborderons cependant pas ces aspects à continuation.
1. Antécédents des recherches1.1. Les études globales Les recherches et les méthodes utilisées dans l’étude du Qhapac Ñan sont d’une grande diversité. Les méthodes employées sont fonction de la discipline et de la problématique de recherches. Il est possible de tirer les grands traits des méthodes de recherches utilisées : des chercheurs travaillant sur une problématique liée aux routes andines (Hyslop, Strube Erdmann, etc.) attendront et obtiendront des résultats différents que ceux travaillant sur des problématiques dont les routes ne sont qu’un élément de réflexion (Jenkins, Murra, Duthurburu pour ne citer qu’eux).
La littérature, archéologique ou historique, est un atout précieux utilisé par l’ensemble des chercheurs. Il est cependant intéressant de constater que les recherches aboutissant à la datation du réseau sont extrêmement rare.
Le Qhapac Ñan, par sa nature, se trouve au centre de nombreuses problématiques d’étude. La multiplication de ces problématiques offre des angles d’approche complémentaires. La majorité des chercheurs s’intéressant au Qhapac Ñan travaillent sur des questions associées aux routes : implantations humaines, mise en valeur du milieu, administration et gestion étatique, commerce, échanges et troc, etc.
À la suite de la proposition de nomination Qhapac Ñan sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO (UNESCO, 2003a et 2003b), l’identification du tracé des voies de communication andine est aujourd’hui au centre des problématiques des chercheurs travaillant sur le sujet.
L’étude du Qhapac Ñan comme partie intégrante du paysage andin et témoignage des cultures passées en est à ces débuts. Les voies de communication peuvent pourtant aider au développement des connaissances dans de nombreux domaines de recherche : sites organisation spatiale, zones de production et d’exploitation du milieu, etc. Le Qhapac Ñan, utilisé, transformé et reconstruit pendant des milliers d’années, témoigne de la variété des diverses constructions des civilisations qui ont entretenu le réseau (Hyslop, 1991). Ainsi, l’étude des éléments architecturaux du réseau, dans l’optique de documenter les phases d’extension ou des problématiques liées à l’archéologie du paysage, est en plein essor : adaptation du chemin à la topographie et au climat, technique de constructions, etc. (Herrera et Cardalle de Schrimpff, 2000 ; Vitry, 2000).
Les cartes du Qhapac Ñan de Raimondi, Alberto Regal, Strube Erdman et John Hyslop
Les recherches archéologiques portant sur l’ensemble du réseau sont plus ou moins récentes. Elles remontent en grande partie au début du XXe siècle. Les apports les plus importants, réalisés par Léon Strube Erdmann (1963) sont fondés sur les textes ethnohistoriques et, depuis les travaux de John Hyslop (1984a), sur les données recueillies sur le terrain. Nous citerons également Antonio Raimondi (1875 - 1900) qui dresse la première carte du Qhapac Ñan ; Alberto Regal porte la longueur totale du réseau à 14 000 km en identifiant les grands axes du Kollasuyu. C’est aussi le premier chercheur à proposer une origine pré-inca a l’ensemble du réseau.
L’approche originale de Roberto Levillier (1942), postérieurement évoquée par Hyslop (1984), ne sera que rarement reprise par les chercheurs postérieurs. Il ne transforme pas la connaissance du réseau andin ; il reprend quelques tracés issus de Raimondi entre Cuzco et la côte pacifique. Les travaux qu’il entreprend documentent plus précisément les voies de communication du Cuntisuyu – entre Cuzco et la côte pacifique. Le véritable apport de Levillier consiste en sa carte du réseau andin. Habituellement associée aux sites de tampu, de stockage et aux centres administratifs, la carte de Levillier présente le tracé des voies de communication en les inscrivant dans ce qui façonne, ce qui constitue un pays : les populations (langues, ethnies, ayllu, etc.), la chronologie de l’expansion inca, les implantations anthropiques importantes, etc.
À la suite du second conflit mondial, la photographie aérienne offre aux archéologues travaillant sur le Qhapac Ñan un nouvel outil d’étude. Von Hagen (1955) s’appuie tout à la fois sur les textes ethnohistoriques et la photographie aérienne pour guider ses prospections sur le terrain. Il travaille essentiellement sur les vallées côtières du Pérou, mettant en évidence une grande partie des « chemins transversaux » reliant la côte à la cordillère, principalement utilisés dans les échanges entre archipels écologiques. Si ses prospections sont les premières à s’intéresser pleinement au tracé des différentes voies du Qhapac Ñan, sa publication apporte peu d’informations formelles sur les chemins.
L’étude réalisée par le Père Léon Strube Erdmann (1963), basée sur les textes ethnohistoriques et la littérature archéologique, est la plus complète concernant les voies de communications andines. Il porte la longueur totale du réseau à près de 20 700 kilomètres. C’est la première étude considérant le Qhapac Ñan dans sa globalité. Pour Strube Erdmann, le chemin est la réponse d’une civilisation à un objectif pratique bien avant les objectifs administratifs, religieux, culturels, économiques ou stratégiques comme l’évoque le plus souvent les précédents chercheurs.
Ainsi, il est le premier chercheur à supposer que le réseau inca en direction de l’Amazonie est beaucoup plus développé que ne le laisse supposer les recherches actuelles. Il présente également le tracé détaillé de l’ensemble des voies de communication connues à l’époque.
À la suite de analyse de l’ensemble des documents ethnohistoriques et les publications archéologiques à sa disposition dans son ouvrage Vialidad Imperial de los Incas (1963), il place l’extrême nord du réseau routier aux alentours de Pasto (Sud de la Colombie). C’est le premier chercheur à situer une portion du Qhapac Ñan dans la région sud de la Colombie.
L’apport majeur à la compréhension du Qhapac Ñan est présenté dans l’œuvre de John Hyslop (1984a). Réalisé entre 1977 et 1983, ses travaux englobent des itinéraires « échantillons » du réseau, dans toutes les régions contrôlées par l’État inca. On y trouve une présentation de chaque segment prospecté, présentant le chemin dans une analyse formelle succincte et les sites associés au chemin parcouru. Dans une seconde partie, il proposera une analyse « théorique » du Qhapac Ñan: typologie des chemins, des tampu, des ponts, etc… Il expose une méthode de datation des voies de communication par association avec les sites. Cette méthode peut poser problème – nous le verrons plus tard – car elle fait appel au ramassage de surface, la concordance stratigraphique avec les sites est alors impossible à démontrer. Son travail présente une autre limite: il travaille sur des itinéraires dont la documentation bibliographique archéologique et historique est toute à la fois bien connue et abondante. Il représente sur sa carte 23 139 kilomètres de chemins, mais il estime la longueur totale du réseau à environ 40 000 kilomètres.
Les travaux d’Armin Bollinger et Oswaldo Rivera Sundt, par la suite, (1997) n’apportent pas d’éléments nouveaux dans l’analyse formelle du Qhapac Ñan. Leur prospections portent principalement sur le Kollasuyu, dans l’actuelle Bolivie et se fondent principalement sur la littérature archéologique et ethnohistorique. Cependant la lecture qu’ils ont du réseau routier andin est, bien que restant à démontrer par des travaux plus poussés, pertinente : Le Qhapac Ñan est la matérialisation de « l’Empire des quatre quartiers », avec, en son centre, Cuzco, le « nombril de l’Empire ». La distribution des axes du Qhapac Ñan est basée sur les chemins principaux de chaque suyu du Tawantinsuyu, issus du centre. Cuzco n’est plus vu comme la capitale de l’Empire, le terminus ou l’origine des chemins. Dans cette analyse, il est le point de symétrie du réseau viaire, à l’articulation entre versant occidental et oriental, entre les riches régions du Chinchasuyu et les hautes terres arides du Kollasuyu.
1.2. Les études régionales et locales du réseau viaire des Andes SeptentrionalesLes études portant spécifiquement sur le réseau viaire des Andes de l’Équateur est très limité. Nous citerons la publication d’Antonio Fresco (2005), présentant une synthèse de l’information disponible sur le réseau viaire équatorien, ainsi que les travaux de Marianne Cardalle de Schrimpff et de Leonor Herrera (2000) pour la Colombie.
2. La typologieLa typologie de chemins actuellement en usage est essentiellement fondée sur les travaux de Paul Kosok (1955) et John Hysolp (1984, 1992). Nous pouvons y ajouter les travaux présents dans les ouvrages de Charles Trombold (1991), Rodolfo Raffino (1983) et les apports de Sonia Aviles Loayza (1998), Christian Vitry (2000) et Ramiros Mendieta (1995). Afin de ne pas m’étendre d’avantage, je renvoie le lecteur aux publications correspondantes. D’autres ouvrages font référence à des typologies et des spécificités locales ou régionales : les références déjà mentionnées de Marianne Cardalle de Schrimpff et de Leonor Herrera, en Colombie et, plus succinctement, les travaux d’Antonio Fresco (2005) dans les Andes équatoriennes. Pour la typologie des ouvrages d’art, s’ajoute aux travaux mentionnés ci-dessus les travaux de Regal (1936) et de Gade (1970).
Les typologies utilisées actuellement (Hyslop, 1984a ; Raffino, 1983 et Vitry, 2000) ne sont que des descriptions morphologiques des observations qu’ils ont réalisées dans des secteurs bien documentés et présentant un degré de conservation très satisfaisant. Les typologies des chemins des Andes septentrionales sont encore mal définies. Il est souhaitable qu’avec le projet Qhapac-Ñan de l’UNESCO et la généralisation des études, les chercheurs réalisent des typologies locales en relation avec le milieu ambiant de chaque secteur afin de confirmer (ou non) la présence d’autre type de chemins construits ou non-construits (cf. 3.2 et 3.3).
Les sites associés, les structures et les systèmes de communication qui le compose sont une partie intégrante du Qhapac Ñan, tout aussi vaste et complexe. Par manque de temps, nous ne discuterons pas ce sujet. Cependant, je tiens à souligner que la compréhension du Qhapac Ñan dans son ensemble, comme système intégré, implique une analyse aussi fine des voies de communications que des sites associés. C’est un pan de la recherche à poursuivre plus avant lors de travaux ultérieurs.
3. Notions essentiellesAvant d’entrer dans le cœur du sujet, il est important de définir quelques unes des notions essentielles pour la compréhension et l’étude du Qhapac-Ñan.
3.1. Chemin et itinéraireIl est important de décomposer la voie de communication en deux notions complémentaires mais fondamentalement différentes : l’itinéraire et le chemin.
L’itinéraire est présent dans l’esprit du voyageur, c’est le but, la destination qui «créé» le chemin. Le chemin, à l’opposé, est formel. Il représente matériellement le chemin entre deux point (par exemple, un simple sentier de terre matérialisé à la suite du passage d’une multitude de voyageurs).
Le chemin est la représentation concrète d’un itinéraire. Il en est sa matérialisation dans l’espace géographique, mais ne prend pas forcément l’aspect d’un chemin construit.
3.2. Construit et non-construitLa notion de structure construite et non-construite est importante dans l’étude des voies de communications andines. Si les chemins non construits peuvent être utilisés conjointement par toutes les civilisations, les chemins construits demandent une planification du tracé, précédant la construction du chemin et sont le fait de civilisations possédant une organisation politique plus centralisée.
- Les chemins non-construits :
Le chemin non-construit n’est pas une réalisation réfléchie, planifiée. Il se matérialise par le passage répété des voyageurs sur le même tracé.
Les chemins non-construits se caractérisent par l’absence de toute construction anthropique : ils peuvent être non-formalisés (l’itinéraire existe dans la pensée de celui qui chemine ; Herrera et Cardalle de Schrimpff, 2000) ; ou être de simples sentiers set/ou pistes, formalisés par le passage répété des voyageurs sur le même tracé (Beck, 1991 ; Earle, 1991). Ce dernier type témoigne d’une utilisation fréquente du même itinéraire, étendue sur une plage chronologique importante.
Un chemin non matérialisé physiquement par une sente ou une piste continue, peut, cependant, être matérialisé dans l’environnement : pétroglyphes (Nuñez, 1976), montagnes et points hauts (Strube Erdmann, 1963 ; Iribarren Charlin et Bergholz, 1972).
- Les chemins construits :
Ils présentent au moins un élément de construction anthropique (chaussée, ligne de pierre, poteaux, balises diverses, ou murs/murets). Le tracé du chemin est planifié, le terrain préparé, afin d’offrir le moins d’obstacles à la progression, tout en répondant aux besoins économiques, politiques, etc. des constructeurs et/ou aménageurs.
Beck (1991) défini un chemin construit par trois points :
1) Une altération plane du paysage.
2) L’intervention de l’homme (investissement laboral)
3) Faciliter et contrôler les mouvements des hommes et des marchandises.
Pour Earle (1991), les chemins construits sont le fruit d’une planification préparatoire à la construction, de la rectitude du tracé, d’une absence de chemin double (ou multiples) et de la présence d’éléments formels (ouvrages d’art, pavement, etc.).
Si nous pouvons distinguer les routes plus ou moins informelles (non-construites), n’impliquant pas de travaux préparatoires à l’utilisation de la route et les routes formelles (construites) demandant des travaux plus importants avant leur ouverture au trafic (Earle, 1991 ; Beck, 1991 ; Avilés Loayza, 1998). Il convient de faire attention : il est important de distinguer les travaux «physiques» préparatoires à l’utilisation de la chaussée et la planification (du tracé) qui peut-être réalisé même pour un simple chemin. De même, les éléments architecturaux considérés comme « indépendants » du reste du chemin doivent faire l’objet d’un traitement séparé.
3.3. Nécessaire et accessoireIl est possible de subdiviser les éléments constitutifs du chemin en deux sous catégories : les éléments nécessaires et accessoires au chemin.
Les différents éléments qui constituent un chemin ont une importance relative selon la configuration du terrain traversé : lors de la création d’un chemin sur pente, le mur de soutènement – retenant le remplissage de la voie de circulation – est indispensable à celui-ci. Le mur de contention – retenant les déblais projetés de l’amont sur la voie de circulation – n’est qu’un élément de confort, pour le bien-être des utilisateurs. Ce même mur de contention peut devenir un élément indispensable lorsque le chemin traverse une zone de chute de matériaux qui pourrais obstruer la voie de circulation. De même, les murs latéraux d’un chemin de plaine sont superflus à celui-ci ; leur utilité est à rechercher ailleurs : limitation de l’espace dévolu aux voyageurs, évoluant dans un espace semi-domestiqué.
Il s’agit de distinguer dans la construction du chemin les éléments architecturaux « vitaux » – sans lesquels le chemin ne peut être construit ou utilisé – des éléments « de confort ou de commodité », permettant une utilisation plus aisée. Cette distinction ne doit pas se limiter à des considérations architecturales, elle doit également considérer les besoins et nécessité de la civilisation utilisant ou réutilisant la voie de communication étudiée.
Nous pouvons également transposer cette division aux ouvrages d’art (ponts, chaussées surélevées, etc.) rencontrés sur le Qhapac Ñan. Le pont n’est pas nécessaire à un caravanier ou un paysan qui dispose d’un gué dans les environs. Pour l’administration étatique, en revanche, le pont devient un élément vital (Cieza de Léon et Bartholome de la Casa nous apprennent que la destruction d’un pont et passible de la peine de mort sous les Incas), permettant de relier rapidement les provinces et facilitant les échanges économiques car il est franchissable en toute saison. Les éléments constitutifs du pont peuvent à leur tour être considérés selon cette double classification (nécessaire / accessoire).
Les typologies utilisées actuellement (Hyslop, 1984a ; Raffino, 1983 et Vitry, 2000) ne sont que des descriptions morphologiques des observations qu’ils ont réalisées sur le terrain. On peut distinguer les routes plus ou moins informelles (non-construites), n’impliquant pas de travaux préparatoires à l’utilisation de la route et les routes formelles (construites) demandant des travaux plus ou moins importants avant son utilisation (Earle, 1991 ; Beck, 1991 ; Avilés Loayza, 1998).
Il est souhaitable de traiter chacun des éléments selon deux points de vue et selon la problématique suivante : l’élément architectural en question est-il justifié, rendu obligatoire par la topographie ? Il convient alors de le classer dans la rubrique des « aménagements accessoires ou essentiels » (cf. ci-dessus), selon les nécessités imposées par la topographie pour l’établissement du chemin.
3.4. La verticalité et l’organisation du réseauLe réseau de routes pré inca et incas ne fut pas mis en place pour les besoin du commerce. La production régionale des communautés ne nécessitait pas un tel système à des fins commerciales. Pour les transports de produits selon le concept de verticalité andine, les caravanes de lamas progressant sur les sentiers sont amplement suffisantes à l’approvisionnement des populations. (Murra, 1975 et Lecoq, communication personnelle). Les chemins pré-incas et incas ne sont pas un témoignage des besoins économiques de ces sociétés. Ils participent du pouvoir de l'État. Ils matérialisent la capacité pour celui-ci de contrôler et d'administrer différents groupes ethniques (envoi de troupes et/ou administrateurs dans les zones conquises et récupération du tribut dû à la capitale). Comme les forteresses, les villes de l'Etat et les canaux d'irrigation, les routes sont un moyen pour l'État d'affirmer son pouvoir. Ces travaux "publics" sont réalisés, par les populations locales sous la direction des administrateurs de l'État. Ils sont un moyen d'affirmer son pouvoir et un témoin de sa capacité à mobiliser une force de travail importante. Le réseau de viaire est construit par les États et se développe donc avec eux. Ce n’est qu’avec le Tawantinsuyu que l’intégration pan-andine se réalise.
Les sentiers entre les communautés sont, sans doute, déjà en place depuis très longtemps pour l'échange de biens entre les villages. L'Etat ajoute à ce premier niveau de routes son propre réseau, pour relier les vallées à côte par exemple. L’Etat positionne également des points de contrôle à l'entrée et à la sortie des vallée. Les chemins sont ainsi la représentation même du pouvoir, marquant son omniprésence et son autorité dans les zones les plus éloignées de Cuzco (Vitry, 2000).
Sous la domination Chimu, le chemin reliant les vallées, du Nord au Sud, devient l'épine dorsale de leur Empire, comme le sera, plus tard, les routes reliant Tomebamba, Cuzco et Santiago pour les Incas. Sur la côte Nord, il est impossible de savoir quelle civilisation est à l’origine des voies de communications car les États successifs réutilisaient les chemins déjà tracés pour l’adapter à leurs nécessité. Lors de la conquête par les Incas des différents royaumes de la côte et des montagnes, ces derniers se contentent d'harmoniser les différents types de routes à travers l'Empire (Kosok, 1955).
Une fois la conquête terminée, les Espagnols, venus par la mer, réorganisent complètement le réseau de routes pour répondre à leur besoin : relier la montagne à la mer, ce qui sera la cause de la profonde modification du Qhapac Nan, car il ne répondait plus à leurs besoins. Pour les Espagnols, le Pacifique devient la «troisième artère» Nord/Sud de l’aire andine. Les voies terrestres ne permettent pas aux bêtes de somme et aux véhicules à roues, introduits par les Européens, une progression aisée. Les animaux de bât détruisent lentement les voies et obligent les Espagnols à reconstruire de nouvelles routes et de nouveau ponts, plus en accord avec la nouvelle organisation mise en place.
L’installation de la capitale coloniale sur la côte centrale, et des ports pour les galions espagnols, dans de nombreuses vallées de la côte, atténue l'importance des routes nord/sud. Les voies "latérales" de l'empire inca deviennent, au contraire, des routes importantes pour les Espagnols, permettant de relier les ports aux zones de production. Les voies latérales ont le même usage que sous la domination inca : acheminer les productions des différents étages écologiques vers les ports de la côte, au lieu de se rendre à la capitale ou dans les sites de stockage installé le long du réseau (Duffait, 2001 ; Jenkins, 2001).
Les chemins participe d’un système administratif intégré, unissant des régions densément peuplées à d’autres entièrement désertiques, des zones de productions aux grands centres de consommation (Jenkins, 2001), permettant de mobiliser la population, les produits, la main d’œuvre, etc. au service de l’État.
3.5. Les différents niveaux de fonctionnementTimothy Earle (1991) présente une étude locale sur les réseaux routiers inca et chimu. La méthode suivie par ce chercheur est l’association : la datation des routes est le fruit de l’analyse des sites associés et des sites reliés par cette même route. Dans cette approche, on ne peut dater plus ou moins précisément la route elle-même.
A la suite de son analyse, Timothy Earle conclut que le réseau de voies chimu et inca sont ordonnés hiérarchiquement. Il discrimine 2 types de voies :
Des chemins locaux, durant la période chimu, permettent de mettre en relation les implantations humaines entres-elles, au niveau des villages. Chacun des hameaux du village étudié est relié au hameau principal par ce type de chemin (souvent un simple sentier).
Un unique chemin, construit de manière formelle, traverse l’ensemble de la vallée, franchissant de part et d’autre des cols d’altitude et de vastes espaces non peuplés, en dehors des archipels humains proches. Ce type de chemin relie la vallée étudiée aux vallées environnantes et aux centres administratifs régionaux et, par extension, au reste de l’Etat chimu.
Sous la domination inca, les transformations apportées aux tracés sont minimes. Le réseau de chemins locaux reste fonctionnel, probablement avec le même usage que durant la période chimu. Le chemin formel, construit, desservant les autres vallées et les centres administratifs est toujours présent mais il est consacré aux communications régionales. Un nouveau chemin formel s’ajoute cependant à ce dernier, de facture inca selon l’auteur, traversant l’ensemble de la vallée il relie des installations anthropiques différentes.
L’hypothèse expliquant ce changement est une modification des besoins, d’où la nécessité d’ouvrir une nouvelle voie de communication répondant à ses attentes.
A l’image des infrastructures des réseaux de communications contemporains, le Qhapac Nan s’organise sur différents niveaux, avec ses chemins « communaux », ses « départementales », ses « nationales » et ses « autoroutes ». Le réseau routier inca n’est que le fruit de « l’empilement » de ces différents claques au fil des siècles et des besoins des populations et des Etats.
Les chroniqueurs espagnols présentent dans leurs textes les itinéraires des «grandes routes incas», ils ne mentionnent que très rarement les autres voies de communications (pré)existantes. En s’appuyant sur ces textes et sur les travaux présentés ci-dessus, il est possible de définir les grands traits des différents réseaux à l’origine du Qhapac Nan.
1. Le « niveau » localSelon l’auteur de l’étude, le premier niveau est « local », il implique des chemins non construits qui relient chaque installation humaine aux autres, au sein d’un même village ou d’une même vallée. Ce niveau est présent en l’absence de toute forme d’organisation étatique (à l’image du modèle de la mobilité giratoire de Lautaro Nuñez, 1962).
Les éléments caractéristiques de ce réseau sont :
- Une absence quasi totale (excepter les obstacles majeurs) d’éléments de construction formels.
- Le chemin est constitué par le passage répété des utilisateurs sur un même tracé.
- Le tracé du chemin est dicté par la topographie de l’espace traversé, cherchant toujours un compromis entre le temps de parcours minimal et le dénivelé le plus faible,
- L’ensemble des installations est interconnecté ; les chemins sont généralement étroits (progression sur une seule ligne), et destiné à un trafic «domestique».
2. Le « niveau » régionalLe niveau «régional» relie plusieurs villages ou vallées entre eux (elles), traversant des espaces non habités (crêtes, hauts-plateaux, etc.). Ce réseau ne relie pas toutes les implantations humaines entre elles, le tracé de cette voie de communication est planifié afin de desservir les installations les plus importantes (pour les besoins du groupe à l’origine de cette voie) dans le secteur géographique traversé par ce réseau.
Ce niveau de communication n’est pas créé par une forme étatique quelconque. Comme l’ont démontré Denevan et Errikson lors de travaux sur les Llanos de Mojos en Amazonie Bolivienne (dans Herrera et Cardalle de Schrimpff, 2000), une communauté locale peut-être à l’origine d’un tel réseau.
Les caractéristiques de ce niveau sont :
- Un tracé planifié, reliant le plus directement les installations humaines connectées.
- Il relie des installations humaines à moyenne distance, franchissant parfois des espaces peu ou pas favorables à l’installation de populations humaines.
Ce chemin possède davantage d’éléments de construction formels (ponts, murs, etc.), et la chaussée est généralement préparée. Ce niveau est dédié à un trafic « plus important » : exploitation des différents étages écologiques et des autres ressources naturelles comme l’ont démontré les travaux de Murra (1953).
3. Le « niveau » supra-régionalLe niveau supra-régional uni, plus rapidement que le réseau régional, des installations étatiques entre elles – ou à des installations de première importance pour l’administration – au sein d’une région donnée. La planification et la création de ce niveau procèdent de la décision d’un Etat centralisé.
Le tracé de ce niveau et soigneusement planifié, cherchant à relier les installations connectées par le tracé le plus direct. Les espaces traversés sont variés, des espaces fortement anthropisés (champs, corral) des archipels humains aux grands « vides » des régions d’altitudes.
Les éléments architecturaux sont nombreux : chaussées, murs de soutien, ponts, terrassements, etc.
4. Le «niveau» pan-andinAvec la domination inca sur la majeure partie de la zone andine, certaines voies de communication du réseau supra régional deviennent des axes de communications pan-andin, reliant l’ensemble du territoire. Ces axes sont bien connus, il s’agit des deux grands axes de communication nord-sud : Quito – Santiago et Tumbes – Santiago.
En résumé, le Qhapac Nan, comme l’ensemble des réseaux de communication est constitué de différents niveaux hiérarchiques superposés, fonctionnant comme un ensemble unique.
Cette division du Qhapac Nan en niveaux hiérarchiques permet d’appréhender les extensions successives d’un réseau, dans le temps et dans l’espace.
2. Le principe d’intégration d’une portion à l’ensembleLes Andes ont connu de nombreuses civilisations successives : Chavin, Moche, Tihuanaco, Huari, Chimu, pour les plus importantes. Si, pour certaines d’entres-elles, la présence d’un réseau routier n’est que supposé (civilisation Moche), pour d’autres (Huari, Tihuanaco ou Chimu, Cañar ou Yumbo) un réseau viaire formel ou non est démontrée principalement par les travaux de Kosok (1955), Beck (1991), Earle (1991) Fresco (2005). On sait également par les chroniqueurs que les Incas, une fois la conquête réalisée, intégraient les nouvelles provinces par la construction d’axesles rattachant à l’Empire Inca.
Lors de l’annexion de populations vivant dans des espaces administrés par des civilisations ayant développé un réseau de voies de communications formelles, les Incas se contentaient de réutiliser / adapter le réseau existant et de relier celui-ci au Qhapac Nan. Le développement de ses sociétal utilise et réactualise les chemins et les voies de communications existantes. Les Incas se contentent de créer les voies de communication ne répondant pas (ou plus) aux besoins de leur société (Earle, 1991).
4. La datation du réseau4.1. Le tronçonnementDans une de ses dernières publications, John Hyslop (1991) spécule sur la possibilité de datation d’une route. Dans cet article, il propose une méthodologie d’étude des routes andines :
Les techniques de constructions des routes ont peu changé en 2000 ans. Il faut attendre la conquête, puis l’automobile, pour que les techniques de constructions traditionnelles se transforment afin de répondre aux contraintes des nouveaux moyens de transport. La datation des chemins est donc extrêmement complexe. Or, si l’on ne peut dater un chemin en lui-même, il est nécessaire de l’associer à d’autres éléments (sites, artéfacts, infrastructures hydrauliques et agricoles, etc.) afin de le situer chronologiquement. Hyslop est cependant sceptique sur les résultats obtenus par les méthodes de datation et de sériation utilisées dans la datation des poteries ou de l’architecture lorsque celles-ci sont appliquées au réseau viaire andin. Tout au plus, quelques éléments architecturaux pourront être daté (Hyslop, 1991). Pourquoi ? Premièrement, parce que les routes ne sont jamais complètement abandonnées. Mais aussi les chemins sont utilisés sur de longues périodes, fréquemment entretenus par les communautés locales. Il est en effet plus simple d’entretenir un chemin existant que d’ouvrir une nouvelle section de voie.
La topographie et le climat des Andes obligent les sociétés à entretenir les axes de communication constamment. Le chemin n’est dont pas un élément figé du paysage, bien au contraire, il modèle ce dernier. Les chemins sont l’objet d’une maintenance et d’un entretiens constant de la part des communautés locales (Cieza de Léon ; Bartolome de la Casa ; Hyslop, 1984a ; Strube Erdmann, 1963 ; Gade 1976 pour les principaux).
Considérant les multiples remaniements subis, le chemin ne peut plus être considéré comme un ensemble homogène ; mais bien une succession de réparations, consolidations et améliorations diverses. Comme le soulignent très bien John Hyslop (1991) et Erwan Duffait (communication personnelle), le chemin originel est difficilement identifiable dans ces conditions.
Il devient alors nécessaire de voir le chemin, non plus comme une construction homogène mais bien comme une succession de «constructions» successives. Cette succession, si elle peut être mise en évidence, offre une chronologie relative exploitable pour dater les phases de remaniement successives. Des vestiges archéologiques (céramique…) ou des éléments (charbon, tissus, os, corpolites…) éventuellement sellés dans lors de la construction du chemin ou de datation déposés lors de son utilisation permettent d’obtenir – pour certains tronçons – des datations absolues positionnant plus ou moins précisément la chronologie de construction et/ou d’utilisation du segment considéré. En poussant le raisonnement, il est alors possible d’identifier, par corrélation stratigraphique les tronçons routiers et les sites.
La multiplication des enregistrements fournira une base de donnée suffisante à la comparaison des divers sites et chemins, dans l’ensemble de la zone andine.
Le tronçonnement des chemins offre de nouvelles approches à l’étude du réseau routier andin :
La division du réseau en tronçons en complexifie, certes la compréhension immédiate. Cette division permet cependant, de créer les conditions d’une analyse fine des chemins et itinéraire constituant le Qhapac Nan. Premièrement, il est possible de dater les tronçons les uns par rapport aux autres selon une chronologie relative. Par le tronçonnement des chemins, il est possible de visualiser les évolutions et les phases d’extension propres au réseau (Earle, 1991), passant outre l’état final (actuel) de l’ensemble.
4.2. DatationComme nous l’avons vu plus haut, le chemin peut être appréhendé comme une succession de tronçons indépendants. En s’appuyant sur les méthodologies de l’archéologie du bâti, il est possible de dater relativement les tronçons les uns par rapport aux autres, ou par les méthodes de datations absolue, d’obtenir une datation calibrée de certains tronçons.
Les régions montagneuses présentent des contraintes environnementales fortes : neige, gel, pluie, glissement, effondrement, solifluxion, etc. Les réseaux de communication inca, hérités des civilisations antérieures ont été soumis à ces contraintes depuis leur création. L’entretien et la maintenance du réseau revêtent alors un rôle essentiel afin de permettre au flux de voyageurs et de marchandises une progression fluide, avec un minimum de contraintes.
Les voies de communication intégrées à un réseau viaire montagnard souffrent des réparations multiples, si bien que la construction originale s’en trouve fortement altérée. Le chemin n’est plus alors que le témoin des réparations et transformations apportées au cours des siècles. Les segments non utilisés s’érodent lentement en attente d’une éventuelle réutilisation ou réintégration.
Considérant l’ancienneté du Qhapac Nan, il est probable que la multiplication des réparations et des opérations de maintenance – notamment dans les zones de forte érosion – ne permettent plus de remonter à des structures et/ou artéfacts archéologiques documentant les périodes les plus anciennes. En effet, l’érosion et les contraintes environnementales continuent leur action ; les opérations de maintenance et de transformation ne se sont pas achevées avec les Incas. Les gouvernements coloniaux, puis républicains ont entretenu par la suite ces chemins, contribuant à faire disparaître les travaux de leurs prédécesseurs, pour leur propres besoins politiques, économiques. Ces réparations, constantes, font du réseau routier andin un élément toujours en devenir, sans cesse remanié.
Principalement utilisé dans l’archéologie des périodes historique, l’archéologie du bâti à pour ambition de mettre en évidence les différentes phases de construction, de remaniement, et de transformation du bâti. Les méthodologies développées par cette branche de l’archéologie peuvent en effet fournir des outils pertinents pour l’étude du Qhapac Nan. Non seulement pour l’étude des sites mais pour le chemin en lui-même. L’identification des différentes phases de construction et reconstruction, appliquée au chemin, permet de documenter les choix techniques et les procédés de construction des différentes civilisations à l’origine du Qhapac Nan et les modifications successives du réseau.
En outre, des recherches plus poussées sur les chemins offrent la possibilité de suivre l’évolution du niveau de fonctionnement dans le temps. Au Venezuela et dans les Llanos de Mojos (Bolivie), par exemple, les recherches de C. Errikson, (1991) ont ainsi mis au jour les différents niveaux de fonctionnement d’une chaussée surélevée, entretenu par la communauté locale.
La réalisation de sondages et/ou de tranchées dans le remplissage du tronçon de chemin offre la possibilité de réaliser des datations absolues (céramique, charbon, etc.), si des artéfacts permettant ce type datations, ont été piégés en contexte primaire lors de la construction ou du fonctionnement de la structure. Les niveaux de fonctionnement d’un chemin s’accumulent avec le temps ; la préservation de la chaussée dans un état optimal pour la progression des voyageurs demande des réparations constantes, notamment en région montagneuse. Ces réparations, accompagnées des éventuelles transformations (ajout de chaussée empierrée, élargissement…), créent des niveaux de fonctionnement successifs, décelables lors des sondages.
Les associations entre les sites et les chemins sont le plus souvent basées sur la proximité géographique. S’il est probable que les sites associés ou desservit par un chemin sont contemporains de celui-ci, la datation du chemin, fondée sur la datation du site le plus proche est problématique, car un site antérieur à la création d’un segment de chemin peut être relié ou traversé par celui-ci longtemps après sa construction et/ou son abandon. De même, un site peut être implanté aux environs d’une voie de communication bien après la création de celle-ci. Pour associé avec certitude une section de chemin aux sites proches, les différents niveaux de fonctionnement du chemin et des sites doivent être corrélés par stratigraphie, lors des travaux de terrain.
Depuis quelques années, le développement des systèmes d’informations géographiques (SIG) a considérablement modifié l’approche de l’étude des routes. (Vitry, 2000) L’utilisation des SIG permet de localiser précisément les routes en les associant aux sites archéologiques, aux ethnies, à la couverture végétale et les types de cultures, le relief, le réseau hydrographique, les densités de populations ou encore des bases de données. Ceci n’est qu’une approche simple, limitée du potentiel d’un SIG.
Il est en effet possible d’utiliser les capacités des SIG pour des analyses plus fines ou des travaux préparatoires de localisations des tracés. Explication : À l’aide de modèle numérique de terrain, la programmation du SIG rend possible la mise en évidence des secteurs visibles depuis un pucara. Dans le même ordre d’idée, il est permis de visualiser l’espacement entre les tampu et/ou centres administratifs et ainsi que identifier les relais « manquants » pour préciser les recherches de terrains. Ces outils offrent également aux chercheurs des modèles de réflexion théoriques pertinents pour certaines problématiques.
Une autre fonctionnalité de ce type de logiciel — encore peu utilisée — est la validation théorique d’hypothèses. L’identification du tracé d’un segment de Qhapac Ñan peut se révéler problématique sur le terrain. Le SIG permet de définir, a priori les secteurs où la construction d’un chemin peut-être considérée comme impossible selon une série de paramètres. Dans l’étude de réseaux routiers conçus pour l’utilisation de véhicules à roue, l’ordinateur peut nous indiquer — à grande ou petite échelle — les secteurs impraticables (Minotti, communication personnelle) où les prospections de terrains sont inutiles. Ce procédé est particulièrement profitable pour une localisation approximative du tracé des tronçons disparus au sein d’un segment plus important constituer de tronçons plus ou moins conservés.
La création du réseau andin est l’œuvre de nombreuses civilisations qui ont imprimé leurs marques dans les régions sous leur domination. Les chemins sont les témoins de cette création, de la modification et de l’asservissement du milieu naturel aux besoins des sociétés humaines.
La proposition méthodologique de datation du réseau routier andin est avant tout un aveux d’impuissance : il est impossible de dater l’origine d’un chemin par l’Archéologie. Seule l’ethnohistoire, par l’étude des textes, peut nous révéler les dates de création, réparation et modification des chemins et des routes une fois la conquête achevée.
Si l’origine des voies de communication ne peut pas être clairement identifiée, l’archéologue peut, en revanche, dresser un « état des lieux » du réseau. Avec l’appui des autres disciplines liées, il est possible de mettre en évidence les multiples remaniements subit par les chemins.
En considérant les segments de chemins comme des « sites
1 », les tronçons comme des « structures
2 », le réseau perd son aspect informel, dénué de chronologie. La datation individuelle de chaque tronçon (au moyen de la datation des éléments architecturaux et des artéfacts piégés dans le remplissage du chemin) apporte une analyse formelle du chemin extrêmement fine, prenant en compte l’investissement laboral et politique consentit par les concepteurs.
Une typologie de chemin est avant toute chose une typologie des éléments constitutifs de ce chemin. C’est l’ensemble des associations possibles entre les différents éléments constitutifs qui créés le chemin. Les associations peuvent, évidemment, être contraintes par l’environnement ou par les besoins des sociétés humaines.
ConclusionLe Qhapac Nan est le fruit de plus de 2000 ans d’histoire. Chacune des sociétés andines, bien avant l’apparition des premiers États, lui à imprimé sa marque, contrainte par l’environnement de se déplacer le long des versants pour subvenir à ses besoins. Avec l’avènement des grands Etats centralisés, la notion de réseau routier revêt une autre dimension. Le Qhapac Nan devient un outil de contrôle et d’administration des populations sous la domination de l’ethnie dominante. Par le vecteur du Qhapac Nan, l’Etat ou le pouvoir dominant démontre sa capacité à mobiliser une force laboral importante, à maintenir les communications avec l’ensemble de son territoire.
L’étonnement des premiers Européens passé, le Qhapac Nan n’as cesser de fasciner les chercheurs : l’agriculture, la politique, le commerce, la religion, etc. sont intrinsèquement liés à la problématique des routes. Depuis quelques années, de nouvelles problématiques ont vues le jour. L’identification du tracé du Qhapac Nan est en bonne voie, suite à la proposition d’inscription commune du réseau sur la liste du Patrimoine Mondial par les six états de l’aire andine.
La datation du réseau reste plus problématique. Il est nécessaire de transformer l’angle d’approche actuel. Comme tous les réseaux routiers, en effet, le Qhapac Nan est continuellement en mutation. Certains tronçons tombent dans l’oubli, d’autres sont transformés, modifiés, améliorés, réutilisés. La route panaméricaine en est la dernière évolution, reprenant, dans l’ancien territoire du Tawantinsuyu, la route de la côte ou de la sierra, inca puis coloniale.
Mon questionnement est issu d’un simple constat : le réseau routier andin est principalement connu par le tracé des voies principales. L’attribution de ce réseau à la civilisation inca est fortement ancrée, même si depuis quelques années les chercheurs s’accordent sur l’origine pré-inca du réseau. Hyslop, (1991), souligne les limites applicables à la recherche archéologique, dès que celle-ci s’attaque aux routes. Les voies de communications ne correspondent à aucun élément (sites, structures…) archéologique « habituel ». Il est donc nécessaire de changer l’angle d’approche : d’une analyse globale, macroscopique, il est nécessaire de passer à une analyse locale, microscopique des différents éléments constituant le réseau et les tronçons eux-mêmes.
Devant l’immensité de ce réseau, les analyses à très petite échelle, au niveau de la construction même du chemin, par l’analyse individuelle des éléments constitutifs d’un tronçon, leurs relations les uns par rapport aux autres puis la relation avec les autres tronçons, offre la possibilité de comprendre le processus évolutif du segment étudié. La multiplication de ce type d’analyses sur des distances de plus en plus importantes, permettra d’inclure — au final — l’ensemble du Qhapac Nan.
L’ensemble des propositions évoquées dans la dernière partie de ce travail est fondé sur l’étude de la littérature archéologique ainsi que de mon expérience de terrain européenne. Ma méthodologie de travail ne peut être accepté en l’état actuel de mes recherches. Un travail de terrain est obligatoire avant de pousser le raisonnement et la méthode plus avant.
Les réseaux routiers sont les témoins privilégiés de l’évolution des sociétés humaines, tout comme les sites qui leurs sont associés. Remonter à l’origine du réseau est un vœu pieu. Mais en comprenant l’évolution de ce réseau routier reliant les implantations humaines, ce n’est pas seulement l’histoire du réseau qui nous est révélée, ce sont les relations entre les civilisations, les hommes et le milieu qui nous est contée.
NOTAS:
1) Par « site », il faut comprendre l’unité minimale étudiée par l’archéologue. Dans ce cas, le chemin devient un « complexe » architectural constitué de différents sites.
2) Un chemin — ou « site » — peut se diviser en « structures » : unité architecturalement homogène. C’est l’agrégation à l’ensemble et l’agencement de ses structures entre elles qui donne son importance et sa singularité à l’ensemble.
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Bulletin de l’Institut Français d’Etudes Andines, vol. 11 - n°1-2, Institut Français d’Etudes Andines, Lima, pp. 83-89.
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Para ubicarlo, le invito a buscar en:
Tambien, pude acercarse a la dirección regional del INPC en www.inpc.gob.ec/.../
Saludos
Bonjour Thibault,
je te recommande la thèse de doctorat de Reinaldo Moralejo: “Los Inkas al sur del Valle de Hualfín: Organización del espacio desde una perspectiva paisajística” il y traite en partie du Qhapaq Ñan, mais pour le NO argentin. ¡Suerte!
Heureux de voir que mon travail de maitrise serve à qqun. Pour le nord du Chili, il y a beaucoup de choses déjà faites, mais une grande partie de ces travaux sont en littérature grise ou non publiés.
N'hésite pas à contacter l'antenne locale du projet QÑ de la région où tu travailleras et les membres du CRAP de l'Université Paris 1 qui ont travaillé sur le sujet.
Bonne chance dans tes recherches !
Je suis en train de préparer un projet sur le Qhapaq Nan du Nord du Chili. Cette bonne synthèse m'a bien servi !
++
Thibault S.